Muhammad Yunus, ou le banquier des pauvres

Publié le par Nicolas Bosshardt


Je ne pouvais pas louper ça ! Muhammad Yunus, l’inventeur des microcrédits et prix Nobel de la Paix 2006, ne sort que 3 fois par an de son pays, et il est passé le mois dernier par Monterrey pour nous donner une conférence !

Docteur en économie et récompensé par un nombre incalculable de prix pour son œuvre, le Dr. Yunus garde la tête froide. C’est un homme très humble toujours souriant et animé par des idées simples, mais qui marchent ! Lorsqu’il parle de la formation de son entreprise et la concrétisation de ses idées, tout paraît simple. En voici quelques exemples.


Alors jeune docteur en économie, M. Yunus préférait ouvrir les yeux sur les réalités de son pays en se rendant sur le terrain, dans des villages pauvres, plutôt que de « construire des théories économiques et politiques dont on se rend compte 20 ans plus tard qu’elles font plus de mal que de bien » comme il dit.

Il a notamment parlé avec une femme qui fabriquait des objets d’artisanat à partir de bambou et qui lui expliquait qu’elle était dépendante de son fournisseur, car ce dernier exigeait en retour de la matière première, qu’elle lui vende toute sa production. C’est ce jour là que l’idée de micro prêt est venue à l’esprit de Muhammad. Plutôt que de donner de l’argent à cette femme, qu’elle le consomme et reste dans sa situation de dépendance, il pourrait lui prêter le peu d’argent nécessaire (quelques dollars) pour démarrer sa production indépendante, ce qui l’encouragerait à produire pour rembourser et à lancer son affaire.

L’idée a fait son chemin et en quelques mois, M. Yunus a pu tester son concept à l’échelle de tout un village d’artisans, en constatant que les bénéficiaires remboursaient sans problème. Il a donc décidé de s’allier à une banque pour pouvoir prêter de l’argent à plus de personnes. Mais les banques du Bengladesh n’y croyaient pas, disant que des gens pauvres ne rembourseraient pas. Yunus, déjà certain du contraire, ne s’est pas découragé et a crée sa propre banque en 1977, la Grameen Bank, qui a rapidement connu le succès.

L’idée fondamentale de Grameen Bank repose sur le fait que ce ne sont pas les clients qui vont à la banque, mais la banque qui va vers les clients, essentiellement des femmes. En effet, comme Yunus s’adresse à une clientèle pauvre vivant loin des villes et qui bien souvent n’ose pas sortir de son village, le seul moyen d’établir le contact avec les personnes est d’aller chez elles. Et comme le fait de prêter de l’argent incite les bénéficiaires à travailler pour le rembourser, le microcrédit devient un stimulant de l’économie.

La banque a connu un développement rapide et Yunus, désirant continuer à faire du « social business » pour lutter contre la pauvreté, ne s’est pas arrêté là. Lui est venue l’idée d’apporter à chaque village un moyen de téléphoner. Pour ce faire, il a souhaité vendre un téléphone portable à une dame du village, qui deviendrait la « dame téléphone » et proposerait aux habitants de payer et passer leurs coups de fil. Ainsi est née la branche télécoms de Grameen.

Mais pour pouvoir faire marcher un téléphone portable, encore faut-il avoir du courant. Or à l’époque, 70% du Bengladesh n’avait pas d’électricité. Facile ! Il suffit de faire des chargeurs solaires. Ainsi est née la branche énergie de Grameen, qui installe aujourd’hui des petites centrales solaires dans les villages du pays.

Autre point fort du fonctionnement des microcrédits : parmi les conditions d'obtention d'un crédit de Grameen, il y en a une qui demande à ce que les enfants des bénéficiaires soient scolarisés. Une façon d'éduquer plus de jeunes et ainsi d'augmenter le potentiel du pays sur le long terme.

« On m'a donné un prix Nobel juste pour avoir donné quelques dollars à une femme ! » - Muhammad Yunus

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Publié dans Pensées...

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